Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Mon combat contre les banques
5 avril 2009

Intêrets Privés - N° 663

Date de parution: 03/2009

Argent

Victimes de la Bourse :mauvaise pub, bon procès !

Les personnes qui ont souscrit des placements boursiers sans en mesurer les risques peuvent se voir indemniser de leurs pertes pour avoir reçu une information insuffisante.

Toutes coupables ! BNP Paribas, Société Générale, Crédit agricole, Caisse d'Épargne, Banque Postale... Elle est impressionnante la liste des banques condamnées à indemniser leurs clients de pertes financières subies sur des placements investis en actions. On peut s'en faire une idée précise en consultant le site Internet « afub.org » de l'Afub, l'association française des usagers des banques, qui recense les jurisprudences illustrant les procès qu'elle a aidé à gagner pour le compte de ses adhérents comme autant de trophées de chasse.

Information en cause. Les banquiers ne s'en vantent pas, mais ils sont de plus en plus souvent sanctionnés par la justice à la suite de placements financiers malheureux pour lesquels ils ont servi d'intermédiaire. La raison la plus fréquente ? Ils n'ont pas suffisamment informé ou mis en garde leurs clients du risque pris en souscrivant tel ou tel placement adossé aux actions : Sicav, FCP, PEA, fonds « à promesse »...

Du cas par cas. Aux yeux de beaucoup de juges, le profil du client - sa fragilité patrimoniale ou son inexpérience des marchés - oblige l'intermédiaire (banquier, gestionnaire de patrimoine, courtier) à une attention particulière devant se traduire par davantage d'informations que lorsqu'il s'agit d'exécuter les ordres d'un boursicoteur chevronné. Il n'est pas faux de dire que « selon la tête du client », une banque sera jugée fautive ou non au regard de l'obligation précontractuelle d'information mise à sa charge en tant que professionnelle. Pas facile dès lors d'en tirer des généralités valables pour tous les épargnants ! Et puis, la juridiction devant laquelle on se retrouve a son importance, prévient Daniel Richard, avocat parisien qui a régulièrement obtenu la condamnation de banques : « Les espoirs de succès des épargnants sont plus grands devant la 15e chambre de la cour d'appel de Paris que devant la 9e du TGI de Paris qui est plus sensible aux arguments des banques. J'ai aussi constaté d'expérience que l'on obtient davantage de dommages-intérêts devant le TGI de Nanterre qu'à Paris... »

Affaires exemplaires en 2008

Il n'empêche : malgré ces aléas, certaines grandes jurisprudences méritent d'être citées car elles ont valeur d'exemple. À commencer par un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 24 juin 2008 qui résume à lui seul la tendance des juridictions en matière d'obligations d'information et de mise en garde.

Sicav, FCP et fonds à promesse. On sait que les professionnels se retranchent souvent derrière la remise aux clients des documents techniques devant accompagner le produit financier (en application de la réglementation de l'AMF, Autorité des marchés financiers) pour faire valoir qu'ils ont bien respecté l'obligation précontractuelle d'information à leur charge. La Cour de cassation dans cet arrêt retentissant dit que cela ne suffit pas lorsque la publicité qui est donnée en parallèle au client ne répond pas à certaines exigences précises. Lorsqu'il s'agit d'inciter le client à souscrire des parts d'un fonds commun de placement, la publicité, énonce la haute juridiction, « doit être cohérente avec l'investissement proposé et mentionner, le cas échéant, les caractéristiques les moins favorables et les risques inhérents aux options qui peuvent être le corollaire des avantages énoncés. »

En clair, cela signifie que la publicité ne doit pas désinformer en ne soulignant pas les risques de pertes financières inhérents à un fonds, sinon l'obligation d'information n'est pas remplie malgré la remise de la notice. Dans l'affaire qui faisait l'objet du pourvoi en cassation, un client de la Caisse d'Épargne île-de- France avait souscrit un fonds à promesse, Écureuil Europe 2004, dont la plaquette affirmait sans précaution : « Vous n'avez pas à vous inquiéter des évolutions des marchés financiers... » sans indiquer que le fonds pouvait enregistrer une perte en cas de baisse de son indice boursier sous-jacent : le DJ Euro Stoxx 50.Dans cette affaire, la Cour de cassation n'a pas mis à la charge de la banque un devoir de conseil, mais seulement une obligation d'information ou de mise en garde (sur le risque de pertes) afin que le client puisse prendre sa décision en toute connaissance de cause.

mauvais conseil

Une autre jurisprudence récente (cass. 8 avril 2008, n° 07-13013) sanctionne, elle, un conseiller en investissement financier pour avoir donné à son client un conseil inadapté à sa situation personnelle. Celui-ci avait acheté des Sicav recommandées par le professionnel, qu'il avait ensuite dû revendre à perte. La justice a retenu la faute de l'intermédiaire. Celui-ci, connaissant la situation personnelle de son client (qui ne pouvait se permettre de prendre un risque de perte financière), ne pouvait valablement lui conseiller d'investir la majeure partie de son capital dans des valeurs soumises aux aléas du marché boursier...

Assurance-vie multisupport. En revanche, les chances d'indemnisation des pertes sont plus minces pour les personnes ayant souscrit des contrats d'assurance-vie multisupports. La jurisprudence récente de la Cour de cassation (20 mai 2008, ch. com, n° 07-19.064) et de la cour d'appel de Paris (15e ch, 16 octobre 2008) considère que les assurés sont suffisamment informés des risques qu'ils courent par la remise de la notice d'information et de l'annexe décrivant les supports en unités de compte du contrat (informations requises par l'article 132-5 du code des assurances). Pour les juges, il est clair, à la lecture de ces documents, que l'assureur garantit seulement le nombre des unités de compte mais pas leur valeur qui varie à la hausse ou à la baisse en fonction des marchés. Reste à savoir si chacun mesure réellement le risque qui se cache derrière ces mots.

devoir de prévenir

Aussi, d'autres juridictions sont parfois plus sensibles aux situations personnelles qu'à la lettre des textes comme en témoigne un jugement du TGI (tribunal de grande instance) de Pontoise qui a condamné BNP Paribas à indemniser un de ses clients des 23 000 euros de pertes subies sur un PEA et une assurance- vie multisupport. Cette personne au chômage y avait placé ses indemnités sans que la banque ne la mette en garde ! La situation de vulnérabilité comme l'inexpérience totale du client dans les investissements en Bourse ont sans doute influencé les juges qui retiennent que la remise des documents obligatoires par la BNP ne suffit pas à considérer qu'elle a correctement rempli son devoir d'information. « Le risque de moins-value des placements proposés n'est pas suffisamment mis en avant, quand bien même la nature boursière de ceux-ci ne ferait pas de doute », martèle le jugement. Même grief contre la même banque, formulé cette fois par le TGI de Paris (10 septembre 2008) : un autre épargnant victime de mauvais choix reprochait à la BNP la modification d'un placement sans risque d'assurance-vie en euros en contrat multisupport et PEA (tous deux fluctuant selon la Bourse). Pour les juges parisiens, l'obligation d'information du client ne s'arrêtait pas à la seule remise de la notice d'information des produits. De même, le Crédit agricole s'est vu condamner pour n'avoir pas mis en garde un client du risque que représentait à court terme le replacement sur un PEA du produit de la vente d'un bien immobilier (cour d'appel de Paris 30 octobre 2008).

Action collective ou procès ?

On comprend facilement qu'en ce moment les associations d'épargnants font le plein d'adhésions pour diriger des procès. Au point, comme l'Afub, d'avoir du mal à satisfaire toutes les demandes... Et de préférer représenter collectivement les intérêts de groupes d'épargnants victimes d'un placement particulier pour arracher aux banques des indemnisations amiables.

Et pour cause, les procès aussi retentissants soient-ils ne sont pas tous couronnés de succès (comme pour l'affaire Bénéfic dans laquelle La Poste a finalement triomphé en cassation en 2007). Plus ennuyeux, ils n'empêchent pas les banques comme d'autres intermédiaires financiers de poursuivre la commercialisation de leurs placements selon les mêmes méthodes qui font trop souvent miroiter la promesse de gains en taisant le spectre de pertes abyssales. Aussi, c'est sur l'évolution de la réglementation et des lois qu'il faut compter pour améliorer de façon préventive la situation de tous, sans être obligé d'aller jusque devant un tribunal avec tous les aléas et les frais que cela représente.

Faire bouger le droit. Grâce à l'évolution de la jurisprudence et aussi à cause du krach boursier, il y a du mieux. Des textes nouveaux (voir encadré page précédente) devraient permettre, à l'avenir, de prévenir les litiges sur les placements en encadrant davantage la relation et notamment l'information due au client par tous les professionnels de l'argent. Si au moins la dernière crise en date sert à cela, elle ne sera pas qu'une vaine catastrophe.

Les professionnels tenus de mieux informer dans la publicité

Réglementation de l'AMF (Autorité des marchés financiers). À la suite de l'entrée en application de la directive MIF (voir p. 36) la réglementation a été modifiée (article 533-12 du code monétaire et financier) pour obliger les prestataires de services d'investissement à donner à leurs clients, y compris dans la publicité, des informations qui « présentent un caractère exact, clair et non trompeur ».

Ordonnance du 5 décembre 2008. Elle invite les professionnels du secteur financier à élaborer des codes de bonne conduite sur la commercialisation des produits financiers (placements, assurance-vie, investissements) quel que soit l'entreprise ou l'intermédiaire auquel épargnants et investisseurs s'adressent pour souscrire : banque, site Internet, courtier, société de gestion, etc. Ces codes, une fois homologués par le ministre de l'Économie, définiront des devoirs (d'organisation, de formation des réseaux commerciaux, etc.) à la charge des intermédiaires financiers pour se conformer à leurs obligations d'information et de conseil en matière de vente de placements et d'assurance-vie.

Publicité
Publicité
Commentaires
Mon combat contre les banques
Publicité
Publicité