Le Parisien le 19/11/08
JUSTICE.
Les Etats-Unis s’invitent dans l’affaire Kerviel
LA SOCIETE GÉNÉRALE pensait en avoir presque fini avec l’affaire
Kerviel. Les juges Van Ruymbeke et Desset doivent clore leur
instruction ces prochains jours et devraient se contenter de renvoyer
l’ancien trader devant le tribunal, exonérant du même coup la banque de
toute responsabilité.
Entendus aujourd’hui, Jérôme Kerviel et ses avocats vont jeter leurs
dernières cartes : demande d’expertises informatique, bancaire et
comptable de la banque, auditions de nouveaux témoins, ouverture de
scellés encore fermés.
Rassurée par l’évolution de cette instruction, la Société générale
craint en revanche l’ouverture d’une autre enquête outre-Atlantique. Le
17 octobre dernier, le cabinet Coughlin Stoia de Los Angeles a déposé
auprès du tribunal du district sud de New York une plainte collective
(class action) d’actionnaires américains de la Société générale. Ces
investisseurs estiment que la banque française leur a caché un « énorme
scandale financier » qui leur a porté préjudice. D’après eux, la
Société générale aurait fauté par deux fois : sur la crise des
subprimes d’abord et sur le cas de Jérôme Kerviel ensuite. D’après
cette plainte, la banque aurait « révélé en même temps les deux
affaires (en janvier 2008) » pour « créer de la confusion » sur les
raisons de la « baisse de son action ». Traduction de l’analyse
américaine : en pleine tourmente financière, l’affaire Kerviel leur
aurait servi d’écran de fumée pour masquer les risques pris par la
banque.
Des millions à la clé
Principales cibles des requérants : Daniel Bouton, ex-PDG de la banque,
et Robert Day, l’un des administrateurs de l’établissement. Quelques
jours avant la révélation de l’affaire Kerviel, ce dernier aurait
notamment vendu un million et demi d’actions pour une somme totale de
140 M €.
Entre août 2005 et janvier 2008, période couverte par la class action,
« les investisseurs n’ont jamais été informés de l’ampleur de
l’exposition de la compagnie à la crise des subprimes », indique la
requête, ajoutant que la Société générale a « affirmé que cette crise
aurait un impact limité sur ses finances. Rien ne pouvait être aussi
loin de la vérité ».
Au regard de cette plainte, un juge américain se prononcera sur la
tenue d’un procès. A la clé : des millions d’euros de dommages et
intérêts. La Société générale n’imagine pas une telle perspective. «
Nous allons mener une défense vigoureuse contre toutes les allégations
avancées dans la class action, lesquelles sont inexactes », explique
Pierre Servan-Schreiber, l’un des avocats de la banque. Le mois
prochain, cette dernière devrait réclamer au juge américain de rejeter
cette procédure.
Des petits porteurs français de la Société générale pourraient se
joindre à cette class action si leur demande de constitution de partie
civile en France est refusée. « Mes clients ont des intérêts divergents
de ceux de la direction de la Société générale, souligne Daniel
Richard, leur avocat. La justice américaine semble plus préoccupée pour
ses actionnaires que la France. »
Le Parisien